LE SYMBOLISME DU PIED

 par Daniel Meurois

Certaines de nos Traditions sont manifestement codĂ©es et nous renvoient Ă  une approche de nous-mĂȘme que, bien souvent, nous sommes loin de soupçonner


La symbolique du piedL’étude de nos pieds peut largement nourrir notre rĂ©flexion Ă  ce propos car elle met en Ă©vidence, comme celle des mains, l’extraordinaire architecture vibratoire qui relie l’humain Ă  l’Invisible.

Ce qui apparaĂźt immĂ©diatement, dĂšs qu’on se tourne dans cette direction, c’est que les pieds sont abordĂ©s de deux façons assez contradictoires par les ĂȘtres de dualitĂ© que nous sommes
 

En effet, soit nous les voyons comme l’une des parties les plus humbles de notre corps, celle qui traduit notre petitesse et qui est au ras du sol dans tous les sens du terme, soit nous les percevons comme la zone-tĂ©moin de la beautĂ© de l’incarnation. 

Dans ce dernier contexte, les pieds deviennent alors la šprise de terre nobleš de l’Esprit qui prend corps pour la rĂ©demption de celui-ci.

PĂ©tri de culture judĂ©o-chrĂ©tienne, notre Occident a trĂšs souvent tendance Ă  s’accrocher Ă  la premiĂšre vision des choses. Le rapport conflictuel qu’il entretient traditionnellement avec l’Esprit et la MatiĂšre, autrement dit entre le šHautš et le šBasš, lui fait gĂ©nĂ©ralement poser un regard plutĂŽt mĂ©prisant sur ce qui, dans le corps humain, impose de fait le contact avec la terre.

Quelques expressions classiques traduisent d’ailleurs fort bien le regard hautain que nous posons facilement sur les pieds


Lorsque l’on veut šdĂ©graderš quelqu’un dans un milieu professionnel, ne dit-on pas, par exemple, qu’on le šmet Ă  piedš ? D’une personne qui s’humilie en s’abaissant de maniĂšre indue devant une autre ne dit-on pas qu’elle lui šlĂšche les piedsš ou encore qu’elle est šà sa botteš ? 

On pourrait multiplier les expressions de ce style qui donnent aux pieds une connotation nĂ©gative tout en induisant aussi le fait qu’ils sont naturellement lĂ  pour Ă©craser, pour donner des coups et traduire le mĂ©pris.

Comment, par ailleurs, ne pas songer Ă  des formules comme šse lever du pied gaucheš, šfaire un pied de nezš ou encore šĂȘtre bĂȘte comme ses piedsš ? Elles ne font que confirmer le cĂŽtĂ© dĂ©prĂ©ciatif que notre culture attribue volontiers Ă  cette partie de notre corps.

Évidemment, il existe aussi des expressions qui se voudraient plus šjoyeusesš ou švalorisantesš comme celle, aussi populaire que familiĂšre, de šprendre son pied¹
 Mais on part alors dans une direction qui nous conduit vers l’aspect fĂ©tichiste et souvent sexuel de la question. Ce n’est pas ce qui nous intĂ©resse ici mĂȘme si cela nous conforte dans l’idĂ©e que le pied n’est jamais anodin


Enfin, au-dessus de toutes ces considĂ©rations gĂ©nĂ©rales et pour en revenir au JudĂ©o-christianisme par lequel nous avons commencĂ© notre rĂ©flexion, il y a inĂ©vitablement le cĂ©lĂšbre JĂ©sus lavant les piedsšLavement des piedsš offert par le Christ Ă  ses disciples avant la derniĂšre CĂšne
 Un geste dont nous avons essentiellement retenu l’enseignement d’une ultime humilitĂ© en tant que ferment de la Conscience; un geste aussi qui nous conduit directement au second regard, quelque peu diffĂ©rent, qu’il convient de poser maintenant sur les pieds humains. 

On le sait, le rituel du lavement des pieds Ă©tait classique dans bon nombre d’anciennes civilisations. On se lavait toujours les pieds avant d’entrer dans un temple et on pouvait Ă©galement honorer un invitĂ© par le lavage de ses pieds en l’accueillant dans notre demeure.

Dans le JudaĂŻsme, par exemple, une cĂ©rĂ©monie du lavement des pieds – appelĂ©e par la suite traditionnellement špodonipsiaeš dans toute la ChrĂ©tientĂ© – Ă©tait pratiquĂ©e au mois de septembre lors de l’annonce d’un mariage prĂ©vu, quant Ă  lui, habituellement au printemps.

Dans un tel contexte, celui qui lave les pieds honore l’autre, il le nettoie de šquelque choseš de pesant ou de souffrant, il lui offre ainsi le šservice de son cƓurš pour allĂ©ger sa marche.

De lĂ  le symbole de la šRĂ©mission des pĂ©chĂ©sš qu’immortalise alors pour les ChrĂ©tiens le cĂ©lĂšbre geste du Christ. L’humilitĂ© traduite par les pieds mĂšne de ce fait, et par voie de consĂ©quence, Ă  gĂ©nĂ©rer une force ennoblissante pour l’ñme.

Ainsi, celui qui est invitĂ© Ă  considĂ©rer autrement son rapport Ă  la terre, peut-il se trouver šà pied d’Ɠuvreš de sa propre mĂ©tamorphose en comprenant que la partie de lui-mĂȘme qui se couvre de poussiĂšres et qui est susceptible de cheminer parfois parmi les dĂ©tritus peut et doit jouer le rĂŽle d’un propulseur pour sa conscience. L’horizontalitĂ© de ses pieds peut dĂšs lors solliciter chez lui un regard cherchant et questionnant la verticalitĂ©.

” (…) toucher Ă  la plante des pieds peut Ă©quivaloir, par ricochet, Ă  intervenir sur des zones prĂ©cises de l’organisme ou sur certaines de ses fonctions (…) et sur des rĂ©flexes comportementaux, des Ă©motions ou mĂȘme des šespacesš de la conscience. “

Sans doute est-ce pour cela que, dans la Tradition initiatique occidentale, les pieds sont classiquement associĂ©s au Signe zodiacal du Poisson, un signe double, tout comme l’est d’ailleurs celui de la Croix. Rappelons que si le Haut est rĂ©putĂ© appeler le Bas, la rĂ©ciproque se constate parfaitement


La connaissance des nadis du pied peut nous aider Ă  mieux comprendre cela, Ă  l’image de celle des mĂ©ridiens de l’acupuncture chinoise. En explorant tant soit peu ce domaine, on s’aperçoit en effet que les pieds entretiennent des connexions Ă©troites avec l’ensemble du corps.

Ainsi, toucher Ă  la plante des pieds peut Ă©quivaloir, par ricochet, Ă  intervenir sur des zones prĂ©cises de l’organisme ou sur certaines de ses fonctions et enfin – de nombreux thĂ©rapeutes l’expĂ©rimentent – sur des rĂ©flexes comportementaux, des Ă©motions ou mĂȘme des šespacesš de la conscience.

Dans ce domaine, beaucoup de choses ont déjà été décodées relativement à la connaissance énergétique du corps humain et de son psychisme.

À titre d’exemple, par le biais de l’analyse de l’aura ou d’autres Ă©tudes, on sait que le gros orteil est notamment reliĂ© au chakra laryngĂ© et Ă  l’expression de la personnalitĂ© incarnĂ©e. On n’ignore pas non plus que son voisin, le deuxiĂšme, entretient, quant Ă  lui, un rapport avec la digestion, avec le chakra cardiaque et qu’il šparleš d’ambition
 On a observĂ© aussi la connexion existant entre le troisiĂšme orteil, le chakra solaire, la capacitĂ© crĂ©atrice et mĂȘme le sentiment d’agressivitĂ©. Pour ce qui est du quatriĂšme, il nous renvoie Ă  la fonction hĂ©patique et Ă  la notion d’attachement tandis que le cinquiĂšme est en relation avec l’élimination des liquides, les peurs et les mĂ©moires ancestrales. 

Ceci est juste un aperçu des choses car le champ d’investigation est vaste…

Du cotĂ© de l’Asie, la Tradition bouddhiste se montre trĂšs Ă©clairante
 On ne compte pas les reprĂ©sentations des plantes de pieds du Bouddha, la plupart du temps chargĂ©es d’un grand nombre de symboles, tels des carrĂ©s, des roues, des fleurs et des entrelacs. Par ailleurs, on y affirme que l’empreinte complĂšte de son pied qui apparaĂźt gravĂ©e dans la roche de La symbolique du piedcertains lieux sacralisĂ©s sert Ă  traduire l’impact de son Enseignement dans le monde.

En posant maintenant nos regards du cĂŽtĂ© de l’Hindouisme, on dĂ©couvre que le pied en tant que point de contact d’un šmissionnĂ© divinš avec la terre est tout aussi vĂ©nĂ©rĂ©. Les pieds du guide spirituel – du guru, au sens noble du terme – font encore aujourd’hui l’objet de lavements rituelliques et d’ornementations Ă  l’aide de fleurs. La plante de ses pieds est perçue comme naturellement sacrĂ©e puisqu’elle cĂ©lĂšbre le mariage de la Terre et du Ciel.

C’est pour cette raison que l’on tracera, par exemple, des signes chargĂ©s de sens sous les pieds de la dĂ©esse Lakshmi notamment Ă  l’occasion de la fĂȘte du Nouvel An indien – Divali – en appel Ă  l’abondance et Ă  la bonne fortune.

Les Musulmans eux-mĂȘmes, eux qui n’acceptent pourtant aucune reprĂ©sentation du ProphĂšte, accordent aussi une certaine importance aux pieds. On trouve en effet au palais de Topkapi, Ă  Istambul, en Turquie, deux empreintes plantaires qui sont sensĂ©es avoir Ă©tĂ© celles de Mahomet.

Dans bon nombre de cultures, l’empreinte des pieds – cette sorte de sceau que notre Tradition occidentale appelle švestigium pedisš – finit donc par prendre la valeur ou ĂȘtre le rappel d’un ensemencement divin proposĂ© Ă  la Terre. 

Si on se tourne Ă  nouveau du cĂŽtĂ© chrĂ©tien, on s’aperçoit, entre autre, que la ville de Milan se flatte de possĂ©der une empreinte de pied du Christ imprimĂ©e dans une pierre, tandis qu’à Rome on peut se recueillir devant deux šempreintesš de pieds attribuĂ©es, elles aussi, au Christ Ă  l’entrĂ©e de l’église de Santa Maria in Palmis, lieu de la cĂ©lĂšbre vision de l’apĂŽtre Pierre demandant « Quo vadis Domine ? ». Pendant ce temps, dans le nord de l’Égypte, les Coptes montrent avec respect une empreinte de pied attribuĂ©e Ă  JĂ©sus encore enfant, lors de son sĂ©jour sur la terre des pharaons.

” (…) oĂč que l’on dirige nos regards, les pieds semblent occuper une place aussi importante que les mains dans la culture collective profonde de notre humanitĂ©. Ils mĂȘlent l’humain au Divin et vice versa (…) “

Impossible Ă©galement de passer sous silence le fameux tombeau de Rozabal, non loin de Srinagar, au Cachemire. Ce tombeau, que certaines traditions orales ainsi que les Annales akashiques disent ĂȘtre celui de JĂ©sus, montre aussi, dans la pierre, une double empreinte de pieds sur lesquelles on peut distinguer des cicatrices qui font inĂ©vitablement penser Ă  des marques de crucifixion


Ainsi, oĂč que l’on dirige nos regards, les pieds semblent occuper une place aussi importante que les mains dans la culture collective profonde de notre humanitĂ©. Ils mĂȘlent l’humain au Divin et vice versa puis nous parlent de l’incarnation non seulement comme d’un šespaceš d’épreuves Ă  parcourir mais comme celui d’une proposition de rĂ©surrection intĂ©rieure.

Notre hĂ©ritage grĂ©co-latin lui-mĂȘme ne manque pas de nous signaler cela avec le pied blessĂ© d’ƒdipe, le fragile talon d’Achille ou encore avec la boiterie d’HĂ©phaĂŻstos, si laid qu’il fut jetĂ© des hauteurs de l’Olympe. Cet hĂ©ritage nous dĂ©peint Ă  sa façon le drame de notre humanitĂ© terrestre en rupture d’avec son origine divine.

Notre symbolique aĂŻeule, Ève, n’est-elle d’ailleurs pas elle-mĂȘme piquĂ©e au talon par le Serpent de la SĂ©paration ?

Dans ce contexte archétypal, HermÚs nous rappelle cependant le point de réconciliation possible que représentent les pieds , lui dont les chevilles ailées parcourent les Cieux.

Mais arrĂȘtons lĂ  une rĂ©flexion qui pourrait n’en plus finir


En effet, on peut se demander à quoi cela sert vraiment de se pencher à ce point sur tout cela ? Avons-nous besoin de tant comprendre ce que disent ou cherchent à dire nos pieds et nos mains ? 

Étrangement, aprĂšs avoir rĂ©digĂ© ces lignes, je vous dirais que non
 Nous n’en avons pas vraiment besoin
 du moins pas si nous ingĂ©rons toutes ces donnĂ©es avec notre tĂȘte, c’est-Ă -dire en collectionnant les informations comme le ferait un bibliothĂ©caire uniquement prĂ©occupĂ© de faire fonctionner ses mĂ©ninges et celles d’autrui. 

S’il ne s’agit lĂ  que d’un simple jeu de l’intellect qui aime Ă  s’attarder sur l’Histoire et le symbolisme, l’intĂ©rĂȘt d’une telle recherche est finalement assez limité  surtout Ă  un moment donnĂ© de notre Histoire oĂč beaucoup d’entre nous ont d’autres aspirations, surtout celle de mieux šrespirer la Vieš. 

MĂȘme si le plaisir de la Culture est honorable et louable puisqu’il nourrit la profondeur des sociĂ©tĂ©s comme la nĂŽtre, il n’est sans doute pas suffisant en ce dĂ©but d’une Ère qui se veut nouvelle.

Ainsi, ce n’est pas Ă  la cĂ©rĂ©bralitĂ© de celles et ceux qui lisent ces pages que j’ai voulu m’adresser. J’ai d’abord voulu stimuler ce qui, en chacun de nous, appelle Ă  grandir vraiment, autrement dit, ce qui, au-delĂ  du foisonnement des rĂ©fĂ©rences est capable de raviver le Souvenir. 

Oui, je dis bien le Souvenir et non les souvenirs. Pas seulement celui de notre lien avec l’architecture de la CrĂ©ation et de son cosmos mais de notre parentĂ© de chaque instant avec le Divin qui en constitue le cƓur et qui se prolonge en nous, jusqu’à nos racines. 

Ce lien franchit le Temps, se rit des Cultures, des croyances et des fois car il est Ă©crit en filigrane jusque dans notre chair tout autant que dans notre Ăąme.

Avoir la sagesse de le reconnaĂźtre et l’intelligence aimante de s’en servir comme d’un tremplin est sans nul doute important pour tous les ĂȘtres qui aspirent Ă  se retrouver tels qu’en eux-mĂȘmes. 

Ultimement, il n’y a qu’une seule forme de Vie qui se faufile dans l’Univers des univers, des galaxies jusqu’à l’atome
 Et celle-lĂ  nous invite en silence au sentiment d’Unité 

Ci-dessous, selon la culture copte Ă©gyptienne, une empreinte rĂ©putĂ©e ĂȘtre celle du pied de JĂ©sus enfant, dans la delta du Nil. À chacun, bien sĂ»r, de dĂ©cider ce qu’il veut y voir…

© Daniel Meurois

Pied

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